La loi 2 menace les soins pour les personnes LGBTQ+, itinérantes et vulnérables
À cause des changements à la rémunération des médecins, au moins dix cliniques offrant des soins aux communautés marginalisées risquent de mettre la clé sous la porte.
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Deux cliniques médicales renommées de Montréal, ainsi que huit cliniques de santé sexuelle réparties dans la province, pourraient fermer à cause de la loi 2, censée favoriser l’accès aux soins de santé en liant la rémunération des médecins à des critères de performance qui demeurent flous. La nouvelle loi augmentera aussi la charge de travail des soignant·es, qui devront rendre des comptes sur le travail effectué par leurs collègues.
Cet article est aussi paru en anglais chez The Rover.
Les cliniques Agora et Quorum se trouvent à proximité de la station de métro Berri-UQAM et accueillent des personnes vivant avec le VIH, des membres de la communauté LGBTQ+, des personnes itinérantes, ainsi que des familles du quartier.
Prelib est un réseau de huit cliniques, présent dans cinq villes du Québec, qui offre des services de santé sexuelle confidentiels.
Ces cliniques sont menacées de fermeture, comme de nombreux autres groupes de médecine de famille (GMF), ce qui pourrait priver de leur médecin de famille des milliers de Québécois·es.
Si la loi 2 ne subit aucune modification, le docteur Maxim Régimbal-Éthier, fondateur de Prelib et co-fondateur de Quorum, prédit que les cliniques Prelib cesseront leurs activités dès le 1er janvier 2026.
Quant à la clinique Agora, qui soigne souvent des personnes non inscrites à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), elle devra fermer ses portes le 1er avril, à moins que la situation ne soit rapidement résolue.
Le gouvernement a adopté le projet de loi 2 le 25 octobre en recourant au bâillon, une manœuvre parlementaire lui permettant de contourner la consultation des expert·es et des partis d’opposition.
Les médecins de toute la province s’y sont opposés. L’adoption de la loi a rapidement conduit à la démission d’un ministre, à l’exode immédiat de 260 médecins vers les provinces voisines, et à un déferlement critiques envers le gouvernement Legault, déjà en difficulté au cours de sa dernière année de mandat.
« La loi suscite beaucoup de réactions, et c’est normal », a affirmé un porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). « Rappelons que l’objectif de la Loi est d’augmenter l’accès. »
En vertu des nouvelles règles, le gouvernement menace de retenir jusqu’à 15 % de la rémunération des médecins, sans qu’on sache exactement quels paramètres seront pris en compte pour le versement de ces sommes.
La docteure Emmanuelle Huchet, directrice de la clinique Agora, explique que les futurs paiements seront notamment déterminés par la catégorie des patients traités : vert, jaune et rouge. Ces couleurs indiquent la priorité du patient, qui peut être faible, moyenne ou élevée. Les paiements pourraient varier considérablement en fonction de la gravité de la situation des patient·es.
Le gouvernement n’a pas précisé quels codes de couleur seront associés au bien-être sexuel ou à l’itinérance, malgré de nombreux courriels adressés par le corps médical pour demander des clarifications.
Or, si la santé sexuelle se retrouve plutôt en bas de l’échelle de rémunération, cela aura un impact considérable sur les revenus des cliniques.
Le mode de rémunération conçu par le gouvernement semble favoriser le nombre de consultations effectuées plutôt que la qualité des soins prodigués, décourageant les médecins de consacrer du temps aux patient·es. Pour améliorer l’efficacité, le gouvernement a recommandé aux médecins de limiter chaque consultation à quinze minutes.
« On ne peut pas tenir ces cliniques à bout de bras, et clairement, ça ne fonctionne pas », s’inquiète le docteur Régimbal-Éthier.



